Évaluation de l’état du transformateur : Partie 3
Dans la deuxième partie des articles, nous avons examiné le test le plus utilisé sur les échantillons d’huile de transformateur, à savoir l’analyse des gaz dissous dans l’huile (DGA) : L’analyse des gaz dissous est parfaite pour détecter les défauts naissants dans le transformateur. Cependant, la valeur obtenue par les diagnostics de surveillance des modifications des propriétés chimiques, physiques et diélectriques de l’huile ne peut être sous-estimée : en effet, ces propriétés peuvent également évoluer avec le temps et affecter les performances du transformateur. Dans ce dernier article, nous allons étudier plusieurs autres tests fournissant des informations précieuses sur la qualité de l’huile.
Vérification de la qualité de l’huile : Teneur en eau, saturation relative et tenue
L’eau est la molécule la plus nocive dans le transformateur. Lorsqu’elle est dissoute dans l’huile, elle catalyse les réactions, affaiblit les liaisons, attire d’autres contaminants polaires vers le papier et permet aux acides d’être agressifs. À l’inverse, l’eau libre présente dans l’huile aura tendance à rejoindre le fond du transformateur où elle contribuera à la corrosion du réservoir. Elle peut également rejoindre un enroulement à cause d’une saturation excessive, provoquant ainsi des contournements.
Les concentrations d’eau sont généralement beaucoup plus faibles dans l’huile que dans le papier. Dans la plupart des cas, l’eau est présente dans l’huile en termes de ppm, là où l’on parle de pourcentage à un chiffre dans le papier. En effet, le papier lui-même a des composants polaires (par exemple, des liaisons hydrogène) qui, bien que donnant au papier une résistance mécanique supplémentaire, attirent irrévocablement les molécules d’eau. La présence d’eau dans le papier est importante, car elle perturbe les liaisons hydrogène réduisant la résistance physique du papier.
C’est pour cela qu’en étudiant comment l’eau se répartit entre l’huile et le papier, il est possible de mesurer la teneur en eau dans l’huile, et calculer la teneur dans le papier. Néanmoins, les huiles n’ont pas toutes les mêmes réactions en présence d’eau. Il est donc important de savoir quelle huile est testée, et la différence est particulièrement marquée entre les huiles minérales et les liquides esters. Pour compliquer encore plus les choses, on sait également que la polarité de l’huile peut être altérée à cause de son usure. Il est donc préférable d’examiner la saturation relative de l’eau dans l’huile plutôt qu’en partie par million (ppm). Cette saturation doit rester inférieure à 50 % pour conserver une tenue diélectrique adéquate.
Dans des circonstances particulières, l’eau contenue dans le papier peut par exemple générer des bulles de gaz en cas de surcharge du transformateur, ou lors du démarrage avant qu’une circulation d’huile adéquate ne soit établie. Dans ces conditions, les conducteurs peuvent chauffer le papier à une température supérieure à 100 °C, provoquant la vaporisation de l’eau, augmentant la probabilité de formation de bulles, et donc le risque de décharge partielle (DP) et de dégâts physiques localisés. Cette probabilité de formation de bulles dépend à la fois de la concentration d’eau dans le papier et de la température : par exemple, avec 2 % d’eau en poids sec dans le papier, le risque de formation de bulles est très faible en dessous de 140 °C.
Les huiles de transformateur sont conçues pour apporter une isolation électrique avec des champs électriques élevés. Toute diminution significative de la rigidité diélectrique peut indiquer que l’huile n’est plus capable d’assurer cette fonction vitale. La tenue (BDV) est une mesure de la contrainte électrique que l’huile peut supporter sans tomber en panne. Le test est effectué en augmentant la tension entre deux électrodes, en utilisant un récipient de test contenant l’huile de test, jusqu’à ce que le fluide se décompose. La technique d’échantillonnage joue un rôle important dans l’obtention de résultats de tenue significatifs. Les particules et fibres introduites accidentellement lors du nettoyage de la cellule de test ou des bouteilles de prélèvement (cuir de chamois, chiffons en coton et serviettes en papier) peuvent réduire considérablement la qualité des mesures obtenues.
Usure accélérée : Le facteur de puissance, les tests de couleur et la tension interfaciale permettent d’identifier les caractéristiques clés
Les transformateurs ont généralement une durée de vie minimum de 40 ans, bien que leur durée de vie théorique soit normalement autour de 25 ans. Pour autant, cela n’est pas le fruit du hasard. Garder l’équipement hermétique et à un niveau de fonctionnement standard, ou en dessous des indications, permet d’augmenter sa durée de vie. Des températures élevées, des niveaux élevés d’oxygène, de teneur en eau, d’acidité et de formation de boue (le tout en présence d’autres facteurs catalytiques, comme le cuivre dans les enroulements, les contacts en argent et le fer) peuvent accélérer l’usure du papier et de l’huile isolante, ainsi que la corrosion du métal dans le transformateur.
Il existe trois tests recommandés pour détecter une usure anormale ou la contamination de l’huile, et ainsi intervenir rapidement :
- Le test du facteur de puissance mesure les pertes diélectriques de l’huile isolante. Plus le temps d’utilisation est important, plus l’huile s’oxyde et la teneur des éléments polaires augmente. Ces deux évolutions peuvent être détectées avec l’augmentation du facteur de puissance. Ce test peut également détecter la présence d’autres contaminants dans l’huile et, bien qu’il ne puisse pas identifier les molécules à l’œuvre, souligne la nécessité d’une enquête plus approfondie.
- Les tests de couleur sont un simple indicateur rapide de l’usure du système d’isolation : plus l’échantillon d’huile est foncé, plus l’huile est ancienne ou usée.
- La tension interfaciale (IFT) est une mesure indirecte de la nature polaire de l’huile, offrant un aperçu révélateur de l’oxydation précoce de l’huile et des contaminants polaires, tels que l’eau ou les acides. Le test mesure la force de la séparation entre l’eau et l’échantillon d’huile. L’huile et l’eau doivent former des couches distinctes lorsqu’il y a peu de contaminants dans l’huile. Cependant, lorsque l’huile devient ancienne ou humide, la tension entre les liquides est réduite, moins distincte, de sorte qu’un résultat TIF inférieur est pire qu’un résultat supérieur. Il convient de noter que la tension interfaciale est également affectée par la présence de détergents, de sorte que les dépôts résiduels provenant du nettoyage de l’équipement d’échantillonnage, des conteneurs d’échantillonnage (ou du récipient de test avec de ces tensioactifs) peuvent avoir un effet dramatique sur ce paramètre de test.
D’autres tests de qualité de l’huile complètent le tableau, par exemple les tests de l’acidité et de la densité relative, qui peuvent être effectués pour en savoir davantage sur les caractéristiques de l’huile. Il faut une contamination importante, une usure inhabituelle ou un traitement excessif pour que ces propriétés changent de manière significative. Par conséquent, si l’une de ces valeurs fluctue entre les tests, il y a lieu de s’inquiéter. Si un problème avec l’huile se produit, d’autres tests d’investigation peuvent être réalisés.
Auteurs :
Simon Sutton a plus de 25 ans d’expérience dans l’industrie du transport et de la distribution d’électricité, principalement en matière de câbles. Il a travaillé dans la fourniture de matériaux de câbles, en tant que responsable de certification des câbles pour une compagnie de transport d’énergie électrique et dans le secteur de la recherche. Il s’intéresse également à la surveillance d’état, aux tests de diagnostic, à la criminalistique et à la gestion des équipements. Simon travaille désormais comme directeur des services pour Altanova, une société Doble, au Royaume-Uni. Il est notamment responsable de la stratégie commerciale, des relations externes et de la coordination des activités techniques dans le monde entier. Simon est titulaire d’un diplôme et d’un doctorat en physique obtenu à l’Université de Reading. Il est actif au sein d’organismes professionnels internationaux, représentant du Royaume-Uni au sein du comité d’étude Matériaux et techniques de test émergentes du CIGRE, organisateur du groupe consultatif stratégique sur les solides du CIGRE, et est membre du comité de rédaction du magazine « IEEE Electrical Insulation ». Il est enseignant-chercheur invité à l’Université de Southampton.
Lance R.Lewand est le directeur technique du laboratoire Doble étudiant les matériaux isolants. Cette structure est responsable des analyses de routine et d’investigation des liquides/solides diélectriques pour appareil électrique. Depuis son arrivée chez Doble en 1992, M. Lewand a publié plus de 75 articles spécialisés relatifs aux matériaux isolants électriques et aux diagnostics en laboratoire. M. Lewand est titulaire d’une licence en sciences du St Mary’s College, dans l’état du Maryland (États-Unis). Il est activement impliqué dans des organisations professionnelles, notamment l’American Chemical Society. Il est représentant du comité national américain pour le TC10 de la Commission électrotechnique internationale (CEI) et ISO TC28, ASTM D-27 depuis 1989, président du comité ASTM D-27, président du sous-comité 06 sur les tests chimiques, secrétaire du comité Doble sur les matériaux isolants, et lauréat du « ASTM Award of Merit » avec le comité D-27.
Andy Davis travaille pour Doble depuis plus de 6 ans. Dans un premier temps, il a commencé par travailler 30 mois au Moyen-Orient : il devait alors fournir des conseils d’indexation et de maintenance de l’intégrité des équipements pour plus de 2400 transformateurs pour une société de transport du Moyen-Orient. Depuis lors, il s’est impliqué dans la formation aux outils de gestion des équipements en ligne comme dobleARMS et INSIDEVIEW, dans l’assistance matérielle pour les équipements portatifs de test d’huile et sur site (comme Calisto, Myrkos et Domino) et propose des consultations sur les transformateurs pour les clients situés dans toute la région EMEA. Avant d’arriver chez Doble, il a travaillé pour une société de services autour de l’huile où il apportait des solutions de transport et de récupération de ce fameux liquide. En parallèle, il offrait des consultations techniques pour les producteurs, les sous-traitants HT, les services de transport et de distribution d’électricité à travers le Royaume-Uni et l’Irlande. Il a dirigé des recherches sur le DBDS et l’acidité dans les transformateurs, les stratégies pour atténuer leur impact, et possède des connaissances importantes quant aux caractéristiques chimiques de l’huile.
Informations complémentaires :
Produits :
Services
Articles :
- Évaluation de l’état du transformateur – première partie : Tests courants et meilleures pratiques à appliquer dès aujourd’hui
- Évaluation de l’état du transformateur – seconde partie : L’analyse des gaz dissous (DGA) a le plus d’importance
- Vous voulez acheter un nouveau moniteur DGA ? Lisez les textes en petits caractères
- La puissance de l’analyse des gaz dissous dans l’huile